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jeudi 6 décembre 2012

Hommage à Oscar Niemeyer

L'architecte brésilien Oscar Niemeyer s'est éteint mercredi à l'âge 104 ans... 
Il aura laissé quelques 600 projets architecturaux dans le monde, mais, chose moins connue, du mobiliers et des dessins. 
Alors courez-vite à la Galerie parisienne "DownTown" qui fête ses 30 ans, pour admirer quelques pièces des années 60/70, uniques et magnifiques, dans l'expo "Souvenirs d'en France" (car l'architecte a vécu une période en France en fuyant la dictature brésilienne) 

- jusqu'au 15 décembre !!


- 1907 Naissance d’Oscar Niemeyer à Rio de Janeiro
- 1930 Formation d’architecte à l’école Nationale des Beaux Arts de Rio de Janeiro 
- 1936 Réalisation avec Lucio Costa du nouveau siège du Ministère de l’Education et de la Santé à Rio de Janeiro 
- 1939 Commande du Pavillon brésilien pour la New York World’s Fair
- 1952 Réalisation avec plusieurs architectes dont Le Corbusier du siège de New York 
- 1956-1960 Participation à la création de la nouvelle capitale administrative du Brasilia 
- 1965 Exil en France avec l’arrivée au pouvoir de la dictature militaire au Brésil
- 1965-1980 Construction du siège du Parti Communiste Français et autres bâtiments en France 
- 1991-1996  Réalisation du musée d’art contemporain de Niterói à Rio de Janeiro
- 2007 Nommé commandeur de la Légion d’honneur à l’occasion de ses 100 ans, par l’Ambassadeur de France  au Brésil
- 2010 Construction des bâtiments de la Cité administrative à Belo Horizonte






Centre Niemeyer: Aviles, Espagne

Palais du Planalto

La cathédrale de la place des trois pouvoirs.

Fauteuils Club Chairs en acier chromé.


Chaise longue "Rio"


Entretiens avec Oscar Niemeyer organisés en 2009 par Danniel Rangel lors de l’année 
de la France au Brésil

Oscar Niemeyer : Souvenirs d’en France

Vous avez vécu et travaillé plusieurs années en France
Oscar Niemeyer :
C’était en 1964, je suis parti du Brésil juste avant le coup d’état militaire.
A bord du paquebot qui me conduisait en France, des collègues m’ont appris que le bureau
dans lequel je travaillais à l’époque avait été perquisitionné et fermé.
Notre revue détruite.
En France, tout le monde était déjà au courant : les intellectuels, mes amis et, bien sûr, les
autorités. André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, a pris le problème à bras-lecorps et réussi, auprès de Charles de Gaulle, à faire publier un décret.
Celui-ci m’autorisait à exercer comme architecte sur le territoire français. Ça a été une période très enrichissante.
J’avais loué un appartement boulevard Raspail, à côté de la Coupole, et j’ai passé pas mal
de temps à la terrasse de cette brasserie si parisienne. J’aimais bien observer les piétons
sur le boulevard, les femmes perchées sur leurs hauts talons. Je suis sensible aux courbes
féminines. Par ailleurs, j’avais sympathisé avec Jean-paul Sartre et Simone de Beauvoir. Ils
connaissaient tous deux le Brésil et me demandaient de participer à des manifestations. Je
garde un excellent souvenir de cette période.

Vous n’avez jamais caché votre sensibilité politique, et d’ailleurs l’une de vos 
réalisations favorites est le siège du Parti communiste français
C’était en 1965, je suis parti d’une feuille blanche et, j’ai conçu avec l’aide de Jean Prouvé,
une œuvre dont je suis fier. Car aujourd’hui encore, le lieu est resté très beau, et il est bien
entretenu. Je me souviens d’un déjeuner avec Prouvé et le président Pompidou, qui nous
avait contacté pour faire partie du jury à la construction de Beaubourg. Pompidou, qui était de
droite, a déclaré, à propos du siège, qu’il s’agissait du ‘seul bon projet que le Parti communiste
ait jamais eu jusqu’à présent’. (rires)

Malraux, Sartre, racontez-nous !
Lorsque j’ai rencontré Malraux, il m’a parlé de son musée imaginaire et cela a été une vraie
source d’inspiration pour moi : l’invitation à se créer son propre musée comme une boîte à outils,
la possibilité de concevoir les choses avec plus de liberté, d’imaginer une architecture vraiment
surprenante. Sartre aussi a eu de l’influence sur moi. Il est curieux de tout. En apprenant qu’il
avait dévoré trois livres de Simenon en une seule journée, je n’ai plus jamais été complexé
d’adorer lire des romans policiers. Je craignais que ce ne soit considéré comme une activité
intellectuelle. J’ai bien changé. Je m’intéresse à tous les domaines, sans restrictions, sans à
priori. Tout à l’heure, par exemple, je reçois un jeune spécialiste de cosmologie. Il va venir nous
parler de notre place dans l’univers. J’imagine qu’on va se sentir tout petits.

Et votre rencontre avec Le Corbusier ?
Je l’ai connu par le biais de Lucio Costa. Le Corbusier avait en projet de construire le ministère
de l’Education et de la Santé, selon les conceptions modernistes. C’était en 1936. J’étais
intervenu dans cette réalisation en tant que dessinateur. Nous avons ensuite collaboré pour le
siège de l’ONU à New York. Lors de la première phase du concours, mon projet a été retenu,
mais Le Corbusier a fait en sorte que l’assemblée revienne sur sa décision et qu’elle privilégie
une approche plus collective. A l’époque, j’étais un ‘bon élève’, Le Corbusier un maître. Je ne
me suis pas opposé. J’aurais sans doute dû insister pour que mon projet soit retenu.

Vous continuez à exercer ?
Oui, j’ai des projets en Espagne, en France, en Angola. Je réalise un théâtre magnifique en
Italie. J’aimerais transmettre aux jeunes la soif de connaissance et la volonté d’acquérir plus
d’expérience. Je me souviens que lorsque j’étudiais la philosophie, nous passions par les
philosophes grecs pour arriver à Marx qui nous disait : ‘On va tout changer, c’est cela notre
chemin’. Et c’était comme si le monde devenait plus lumineux.

Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous motive ?
Mon but est toujours de rechercher quelque chose d’inattendu, même si je sais que, finalement,
notre travail est un peu égoïste : nous travaillons pour les gouvernements et pour les riches,
mais les pauvres, eux, sont toujours dans le besoin. Ici, à Rio de Janeiro, la bourgeoisie est
ignorante, elle regarde les enfants des favelas comme des ennemis potentiels. La ségrégation
existe encore, certains enfants grandissent sans soutien scolaire et effectivement beaucoup
d’entre eux se révoltent. Mais on peut changer le cours des choses. Comment être utile ?
Quand quelqu’un vient à mon bureau pour me parler d’architecture, je cherche plutôt à
discuter d’économie et de politique. Il faut dire que le moment est favorable. Notre président
Lula est très bien.

Comment voyez-vous la crise économique mondiale ?
Au Brésil, on se rend compte que l’Amérique latine est plutôt bien organisée, alors que les
Américains du Nord se trouvent en grand désarroi. Les disparités et le racisme là-bas y sont
encore trop importants. Les dernières élections présidentielles sont source d’optimisme. Obama
est comme une lumière venue illuminer la nation. Pourquoi les choses ne s’amélioreraientelles pas ? Bush a été une catastrophe. Le capitalisme est décadent. Les erreurs commises
ne pourront pas se répéter. Notre pays est fantastique, il va grandir et nous avons de beaux
chantiers en perspective.

Après quarante ans, comment voyez-vous Brasilia, la capitale administrative dont 
vous êtes le concepteur ?
Brasilia a ses problèmes : la circulation automobile, les terrains qui devaient être laissés à
l’état naturel et qui sont aujourd’hui construits. Le gouverneur de l’Etat est un homme ouvert,
favorable aux nouveaux projets. J’ai envie d’apporter bientôt quelques améliorations.

Comment envisagez-vous la course conte le temps ?
Le temps est implacable, nous devons poursuivre droit devant pour un meilleur avenir. Pour 
s’aider, il faut s’entourer d’amis et de projets. Et puis je vais vous faire un aveu, je me lève 
parfois en pensant que j’ai 60 ans. Ou bien 70, cela dépend des jours

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